Rencontre avec Nacer Khémir
Nacer Khémir, Un rôdeur de nuit
« Si être moderne c’est combattre, alors Nacer Khemir est moderne, il est témoin et acteur clairvoyant de son temps, il ne néglige pas la surface des choses, mais les ausculte au plus profond, là où les yeux ne suffisent plus : il est un rôdeur de nuit qui éclaire les jours. Pour lui, la bataille n’est pas à venir, il l’a déjà engagée pour que la jeune génération occupe une position-charnière entre un héritage culturel traditionnel et un avenir qu’elle aura à inventer. Les valeurs traditionnelles qui investissent le langage quotidien brident la faculté d’innover, de créer. Il importe donc de faire évoluer le langage, de donner à ces jeunes les moyens d’expression propres à faire éclater le carcan des contraintes sociolinguistiques et à rendre le pouvoir à l’imagination. Ainsi, entre une voie continue et une voie de rupture, mi-sauvage et mi-domestique, il veut faire bouger les contraintes de la culture établie et affirmer une autre morale contre les coutumes morales qui briment. Dans ses films, il nous invite à regarder le monde (son peuple en particulier) selon une vision prismatique pour le révéler sous plusieurs angles, à des distances différentes et lors de multiples moments de son histoire. Cette approche est une leçon d’humilité en quête du sens, loin de toute certitude et de tout dogme, une authentique invitation à la prudence et à l’exercice libre de la pensée qui seule peut nous ouvrir sur le nouveau. Nacer Khemir travaille toujours en état de crise, dans la conscience d’être double, à la fois le fruit de la culture dominante et le fruit de sa critique. Alors, s’il combat l’oubli de certaines forces culturelles, « C’est terrible pour un pays de perdre ses couleurs. D’ailleurs, autre chose, en Tunisie, il n’y a plus de teinturiers. C’est encore un autre signe d’avoir perdu ses couleurs », il ne se prive pas pour autant de cultiver la rupture, mais une rupture sans abandon, puisque pour lui, le nouveau naît de l’humus du continuum des gestes et des paroles qui passent, embellissent ou ternissent les singularités. C’est à nous, de trouver les chemins de traverses qui fertilisent son cinéma.
Cinéaste, poète, écrivain, peintre-sculpteur Nacer Khemir est un artiste qui creuse tout en caressant. Il agit comme acteur critique de son temps avec ses oeuvres qui ont, à la fois, la douceur et l’acidité de grenades aux graines fécondes.
Certes, je ne sais si la beauté fait découvrir la part du ciel qui est en nous mais, face aux tissages filmiques de Nacer Khemir, j’ai souvent l’impression d’assister à la naissance et au développement d’une forme rare de beauté qui éclaire autrement le réel et me donne le frisson. »
Guy Chapouillié
Rencontre avec Nacer Khémir
Jeudi 19 mai 20h : Whispering Sands (au Cratère)
Vendredi 20 mai
14 h : Yasmina et les 60 noms de l’amour Projection à l’ENSAV : Rencontre avec les élèves
18h : Rencontre à la Librairie Ombres Blanches,
Autour de deux livres : Le livre des marges (Éditions de l’Oeil), L’amour selon Nacer Khémir (Éditions Nacer Khémir)
20h (au Cratère) :
L’Histoire du pays du bon Dieu
Par où commencer